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mercredi 24 avril 2024

Pourquoi le Real va gagner la Champions League

Il y a quelque chose de terriblement agaçant (certains diront de magique, nous ne sommes pas de ceux-là) avec le Real Madrid en Champions League. De manière irrémédiable, à mesure que les tours passent et que les adversaires montent en gamme, le Real connaît toujours plus de réussite, toujours plus de chance, toujours plus de circonstances favorables, quand l'arbitrage ne vient pas lui donner un petit coup de pouce au passage. Certains voient dans cette capacité à survivre la marque d'une équipe légendaire qui sait rester fidèle à sa glorieuse histoire et refuse de mordre la poussière, une haine absolue de la défaite chez un club qui ne jure que par la victoire et les trophées, une façon de se placer à la hauteur du rendez-vous quand la route s'élève. Nous y voyons plutôt comme une malédiction, une histoire inlassablement répétée jusqu'à l’écœurement, une vieille rengaine qu'on en peut plus d'entendre. Que ce soit bien clair, cher lecteur qui êtes venu se perdre sur cette modeste et néanmoins indispensable gazette: nous n'en pouvons plus de voir le Real gagner, de le voir aller loin quand ce n'est pas au bout en Champions League année après année, du sourire satisfait de Florentino Perez, des abdominaux saillants de Cristiano, de la nonchalance hirsute de Marcelo, de la barbe conquérante de Benzema, des poings rageurs de Sergio Ramos, du vice insupportable de Carvajal, des pleurnicheries infantiles de Vinicius, des buts de raccroc de Rodrygo, des pions improbables de Bellingham dans le temps additionnel. Nous n'en pouvons plus d'assister au même scénario immuable du Real qui triomphe à la fin du film, de voir la pièce tomber toujours du même côté, de connaître d'avance la conclusion de l'histoire. Alors que d'aucuns (dont nous sommes, ne le cachons pas) rêvent d'un premier sacre européen pour le PSG (certes, il y eut bien la Coupe des Coupes en 1996, mais remporter une Champions League aurait une autre saveur), il ne fait aucun doute que la coupe aux grandes oreilles va pour la quinzième fois prendre la direction de la capitale espagnole.

 

Il y a deux ans, le parcours en C1 du Real fut celui d'un survivant, d'un mort cent fois ressuscité, d'un Lazare qui se lève de son lit et se met à marcher. Contre le PSG en huitièmes, les Madrilènes furent dominés pendant trois mi-temps et subirent la loi d'un Mbappé intenable, jusqu'à l'erreur de Donnarumma face à Benzema qui les relança totalement (il y avait peut-être faute sur le portier italien, mais jamais un arbitre n'interviendra en défaveur du Real dans un match européen). N'oublions pas que Messi avait manqué un penalty au match aller et que Paris aurait pu se rendre à Bernabeu avec deux buts d'avance. Mais une fois de plus, les planètes se sont parfaitement alignées pour rendre "l'exploit" possible lors du match retour. En quart face à Chelsea, le Real se retrouve mené 3-0 sur sa pelouse après l'avoir emporté 3-1 à Stamford Bridge, jusqu'à ce petit génie de Luka Modric ne trouve Rodrygo d'une sublime passe de l'extérieur du pied, avant que Benzema ne plante de la tête en prolongations. Ce soir-là, Chelsea cadre sept tirs contre quatre pour le Real (28 tirs à 10 au total), affiche 57% de possession, réussit 150 passes de plus que son adversaire, mais passe à la trappe. En demi-finale retour, le Real accuse un retard de deux buts sur City après l'ouverture du score de Mahrez. Rodrygo frappe deux fois dans les arrêts de jeu, puis Benzema assène le coup de grâce sur penalty. On connaît l'issue de la finale contre Liverpool au Stade de France. Les hommes d'Ancelotti auraient dû prendre la porte dès les huitièmes de finale mais au bout du compte ont une nouvelle fois soulevé le trophée.

 

Pourquoi évoquons-nous cette improbable trajectoire du Real en 2022? Tout simplement parce que son cheminement cette saison nous rappelle furieusement sa route vers un incroyable sacre il y a deux ans. Face à Leipzig, le Real aurait du concéder l'ouverture du score dès la deuxième minute au match aller, mais le but de la tête de Sesko fut refusé pour un hors-jeu imaginaire après intervention de la VAR. Volés au coin du bois, les Allemands s'inclinent sur un exploit personnel de Brahim Diaz. Lors du match retour, les Madrilènes concèdent le match au nul à domicile et serrent les miches jusqu'au bout après qu'Openda a bouffé la feuille à plusieurs reprises en première période. Et que dire des deux rencontres contre City? Alors que les trois buts mancuniens à Bernabeu sont absolument superbes, le Real plante deux pions moisis par Camavinga sur une frappe anodine détournée dans son but par Ruben Dias et un coup de patte foireux de Rodrygo avec la complicité d'Akanji. A l'Etihad, le Brésilien frappe directement sur Ederson mais, évidemment, le ballon lui revient comme par miracle dans les pieds et il n'a plus qu'à conclure tranquillement. La suite, on la connaît: parcage du bus en règle, regroupement collectif dans les seize mètres, manque total d'ambition dans le jeu, coups de vice et fautes tactiques bien senties, 33 tirs à 8 en faveur de City, 68% de possession pour les Guardiola boys, 920 passes réussies contre 457 et évidemment qualification du Real aux tirs aux buts. Comment pouvait-il en être autrement? Moche. Très, très, très, très moche.
 

Gageons désormais qu'Harry Kane va se faire les croisés contre Francfort trois jours avant la demi-finale aller, que Sané va trouver trois fois les montants sur les deux matches, que Rodrygo va obtenir un penalty pour une faute imaginaire de Dier, que Neuer va commettre la boulette de sa carrière sur un but du cul de Vinicius, que Carvajal va réussir un ciseau acrobatique en pleine lucarne à l'Allianz Arena, que Rüdiger va réussir un enchaînement zidanesque avant de décocher une mine imparable ou que Bellingham va qualifier les siens sur une frappe de trente mètres contrée par Kimmich dans les arrêts de jeu. En finale, si le Real affronte le PSG, Mbappé devrait en toute logique être blessé ou rater trois ou quatre occasions franches avant que Modric ne délivre les siens sur un coup franc pour une faute inexistante dévié du crâne par Marquinhos. Mais, en toute logique, après avoir éliminé le Bayern, le Real devrait croiser la route du Borussia Dortmund, car ce PSG conquérant et sûr des sa force est bien trop dangereux pour lui. Dès lors, on devrait assister à but contre son camp de Hummels à Wembley, à une faute de main de Brandt dans sa surface, à une expulsion précoce de Sabitzer ou à une erreur irréparable de Kobel. Quoi qu'il arrive, rien ni personne n'empêchera le Real Madrid d'empocher une quinzième victoire dans la compétition reine et de faire parler une nouvelle fois son cynisme froid et son réalisme à toute épreuve. Comme le chantait Francis Cabrel, qui s'y connaît autant en football que Candeloro en dialectique hegelienne, c'est écrit.

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