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dimanche 9 octobre 2022

La Juve trahit son histoire

Il serait superflu de rappeler dans ces pages lues chaque jour par des millions de fans enthousiastes qui n'en peuvent plus d'attendre le prochain papier (d'ailleurs, si vous pouviez vous calmer un peu au niveau du courrier, le secrétariat croule littéralement sous les lettres, promis nous écrirons sur Haaland lorsque la hype norvégienne se sera tassée) l'histoire, la tradition, la légende de la Juve, d'évoquer les noms de Platini, Baggio, Del Piero, de revenir en quelques mots sur les grands entraîneurs qui ont façonné ce club depuis des décennies (Trapattoni, Lippi, Ancelotti, Conte), ses 36 Scudetti remportés, ses exploits sur les scènes domestique et continentale. Depuis deux ans, la Vieille Dame a mal aux jambes, son arthrose s'aggrave et ses articulations grincent sérieusement. Les bianconeri subissent une véritable opération de déclassement et ne font plus partie des candidats au titre, eux qui ont aligné neuf sacres entre 2012 et 2020 avec les Tevez, Higuain, Ronaldo, Vidal, Bonucci, Chiellini et autres Pirlo. Ajourd'hui, les blanc et noir ne font plus peur à personne, même pas au PSG, sa bête noire en compétition européenne, chez qui elle est logiquement inclinée malgré quelques parades importantes du faux-frère Donnarumma.

Battue sans contestation par un Milan AC bien supérieur, la Juve occupe une triste huitième place derrière les deux clubs milanais, les deux formations romaines, l'Atalanta et l'Udinese et Naples. Elle n'a gagné que trois matches en neuf journées, subissant notamment un revers embarrassant sur la pelouse du promu Monza le 18 septembre. Plutôt solide défensivement (sept pions encaissés seulement, quatrième défense derrière l'Atalanta, la Lazio et Naples), elle peine offensivement (12 buts inscrits malgré les arrivées de Di Maria et Milik) et fait souvent montre d'une pauvreté affligeante dans le jeu. Troisième de son groupe de Champions League, elle n'est pas certaine de voir les huitièmes, d'autant qu'il faudra encore se déplacer à Benfica et recevoir le PSG. Allegri, qui se sait sur des charbons ardents et concentre toutes les critiques des médias et des tifosi, y compris de ce côté-ci des Alpes, ne cesse d'ironiser sur sa situation personnelle ("je suis content qu'on parle du limogeage d'Allegri, ça m'avait beaucoup manqué, ça me manquait parce que ça m'amuse"). Si les mauvais résultats continuent à s'enchaîner, par sûr que le technicien italien continue à se marrer bien longtemps.


Il faut dire que son effectif ne fait guère rêver dans les chaumières et qu'on a vu bien des équipes de la Juventus plus compétitives que celle qu'il à la charge de manager. Bonucci a trente-cinq ans, Alex Sandro est à la cave depuis des mois et le Brésilien Bremer, transfuge du Torino élu meilleur défenseur de Serie A par ses pairs la saison dernière, ne semble pas trouver ses répères au sein de la défense. Pour le reste, Allegri doit composer avec les 34 printemps et les absences à répétition de Di Maria (qui au moins ne nous a pas fait le coup de planter au Parc), la forme sinusoïdale de Rabiot qui quoi qu'en dise et malgré son indéniable talent ne sera jamais un furoriclasse (un bon joueur de club, tout au plus, dont on a du mal à comprendre le statut d'international), les vieilles jambes du soldat colombien Cuadrado et les intermittences de Kostic, excellent passeur et centreur sur l'aile gauche mais qui cherche un second souffle depuis son arrivée en provenance de l'Eintracht Francfort. On est en droit de se demander où sont les hommes forts, les cadors, les leaders dans cet ensemble hétéroclite alors qu'en 2019-2020 la Juve comptait encore dans ses rangs des barons comme Buffon, des Chiellini, des Khedira, des Matuidi, des Bentacur, des Ronaldo, des Dybala et des Higuain.

L'arrivée de Vlahovic lors du dernier mercato hivernal devait régler une partie des problèmes et sortir la Juve de sa torpeur. Le Serbe n'a pas déçu (14 buts en 28 matches depuis sa signature) et même Milik (quelle connerie a fait l'OM en le laissant partir celui-là) présente des statistiques tout à fait honnêtes (4 buts en huit matches). Les deux attaquants claquent donc en moyenne un but tous les deux matches mais ils n'ont quasiment personne pour les servir (ni Di Maria, cramé, ni Cuadrado, en mode pré-retraite, ni Kostic, insuffisant, ni Rabiot, qui ne sera jamais un meneur de jeu). Les tifosi de la Vecchia Signora voudraient voir Allegri miser davantage sur les jeunes plutôt que d'aligner des grabataires et souhaiteraient qu'on donne davantage leur chance aux très prometteurs Locatelli ou Miretti, annoncé comme la nouvelle pépite du football italien. Une chose est sûre: il va falloir sérieusement se cracher dans les pognes et tout reconstruire du sol au plafond. Après tout, le Napoli, actuel leader, et le Milan, champion en titre, ne s'appuient pas non plus sur des effectifs extraordinaires, mais ils ont réussi à mettre en place un projet de jeu et un football cohérents. Et ils gagnent, eux. On veut bien comprendre que tout avoir misé sur Ronaldo à une époque récente constituait sans doute une erreur stratégique majeure et a plombé les finances du club, mais quand on s'appelle la Juve, on doit bien avoir des leviers à disposition pour opérer ne serait-ce que le début d'un redressement. Virer Allegri, accusé de faire stagner son équipe et de s'enfermer dans des schémas rigoristes et obsolètes, serait la solution de facilité. Cest à tous les étages du club qu'il va falloir se creuser les méninges et mettre les mains dans le cambouis.


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