Le moins que l'on puisse dire, c'est que Cavani en prend littéralement plein la tronche depuis le début de la saison. Déjà guère épargné par les critiques auparavant, qui ne manquent jamais une occasion de lui tomber sur le râble, l'Uruguayen est encore plus exposé depuis le départ d'Ibrahimovic et fragilisé par les débuts moyens de son équipe. On lui reproche comme d'habitude sur toi je remonte le drap comme d'habitude j'aie peur que tu aies froid comme d'habituuuude ma main caresse tes cheveux (imiter la voix de Claude François en chevrotant et éviter de prendre un bain). Revenons à notre chevelu. On lui reproche comme d'habitude sa maladresse devant le but, sa technique frustre, son manque de justesse dans les échanges, bref on a presque l'impression qu'on a affaire à un joueur de CFA 2 égaré dans un équipe qui joue la Champions League, à une anomalie, une erreur de casting flagrante. Tout irait bien, ou mieux, au PSG, si un autre avant-centre prenait sa place ou si Zlatan était encore là, même si on le sait lui aussi est surcoté et ne plantait que contre Troyes et Guingamp. On voit bien qu'il ne met pas un pied devant l'autre en Premier League à 34 piges.
Nous ne reviendrons pas sur ses statistiques en Serie A, qui ne seraient guère pertinentes puisqu'elles datent d'une autre époque et qu'il s'agit de parler de Cavani dans son contexte parisien, c'est-à-dire de Cavani la chèvre qui rate plein de buts. Depuis son arrivée, l'Uruguayen a planté 54 buts en 81 matches de Ligue 1, 13 en 24 rencontres européennes et 83 au total, malgré l'omnipotence d'Ibra et une position excentrée qui ne convenait guère à ses qualités (car oui, il en a). Toutes compétitions confondues, son ratio buts marqués / matches joués est de 0,42, chiffre qui inclut aussi les rencontres au cours desquelles il est entré en jeu. On pourrait rétorquer que c'est bien joli de mettre des doublés contre Bastia, mais son bilan sur la scène européenne montre qu'il claque régulièrement dans les grands rendez-vous. La saison dernière, c'est son superbe but contre Chelsea au Parc qui place le PSG en bonne position avant le huitième de finale retour à Stamford Bridge. Sans lui, le score à l'aller aurait peut-être été de 1-1, et Paris n'aurait peut-être jamais vu les quarts de finale.
S'il est indéniable que Cavani manque des occasions qu'il pourrait aisément convertir, il convient d'insister sur le fait que c'est lui qui les crées la plupart du temps. Pour des joueurs comme Verratti, Di Maria et Pastore, et pour les latéraux également, un attaquant tel que lui est une bénédiction, car il propose toujours une solution, multiplie sans relâche les appels dans la profondeur, se propose pour être à la réception des centres (on en parle de son jeu de tête exceptionnel?). C'est souvent lui qui enclenche le mouvement et donc provoque la passe, plutôt que l'inverse. Il rend le jeu facile pour les autres, parce que ses courses et ses déplacements sont intelligents et se font dans le bon sens, et que son endurance incroyable lui permet de les répéter à l'infini. En prime, il ne se plaindra jamais d'avoir été mal servi et aura toujours un geste d'encouragement pour le partenaire qui aura tenté de le mettre dans les meilleures conditions. Et quand ce ne sont pas ses mouvements sans ballon qui amènent les situations de but, c'est son pressing et son travail de harcèlement qui paient, font rater sa relance à la défense adverse et créent immédiatement une situation favorable. En un mot, le boulot qu'il abat en pointe est remarquable, et tout entraîneur sensé se réjouirait de pouvoir compter sur lui.
Cavani est un joueur extraordinairement attachant et admirable, généreux, combatif, dur au mal, qui pense toujours à l'équipe et non à ses statistiques personnelles. Ce qui compte pour lui, c'est que le PSG gagne et qu'il ait apporté son écot, qu'il ait marqué ou pas. Pour les défenseurs adverses, se coltiner El Matador est loin d'être une partie de plaisir. Il court tout le temps, défend comme un chat maigre, se replace systématiquement, lutte sur tous les ballons et domine dans le jeu aérien. Il est à la fois puissant, rapide, physique et possède une caisse peu commune. De la première à la dernière minute, il mène son combat, parfois contre son propre public, et retourne au charbon s'il vient d'en mettre une à côté. Il faut simplement finir par comprendre que Cavani n'est pas un aristocrate des pelouses, comme Zlatan, Ronaldo ou Lewandowski. C'est d'abord un gladiateur, un mec prêt à laisser sa peau sur le terrain, qui envisage un match de football comme une baston de 90 minutes, comme tous ceux qui ont appris à jouer à l'école de la rue en Amérique du Sud. Cavani n'est pas un joueur pour amateur de roulettes sur FIFA. Que l'on sache, son compatriote Suarez ne récite pas des vers de Neruda dans les vestiaires à la mi-temps.
Contre Arsenal, Cavani a marqué d'entrée avant de manquer trois balles de 2-0: une en ne réussissant pas à redresser suffisamment sa frappe, la seconde à cause d'un contrôle poitrine manqué et la dernière en butant sur Ospina sorti très vite à sa rencontre. Mais est-ce pour autant sa faute si Paris s'est fait rejoindre au score? Réponse: non, messieurs dames. Arsenal est parvenu à égaliser parce qu'après vingt excellentes premières minutes, le PSG a globalement manqué de maîtrise, perdu trop de ballons dans l'entre-jeu et laissé filé le contrôle du match. En se repliant dans son camp après la pause, il a laissé l'initiative du jeu et la possession aux Gunners, ce qui constitue une énorme faute tactique puisqu'ils ne sont jamais plus à l'aise que quand ils peuvent tranquillement installer leur jeu, combiner au milieu et profiter des montées des latéraux. Quid de Di Maria, qui était censé être le dépositaire du jeu parisien hier soir, le "go to guy" de l'équipe? Il fut transparent et mal inspiré dans ses choix. Nul doute qu'il devrait en prendre pour son grade aujourd'hui, mais sans doute pas autant que vous savez qui.
Comme disait l'autre, ou l'un je ne sais plus, ou Jean-Paul Daucun, toujours dans les bons coups, quand on voit ce qu'on voit et qu'on entend ce qu'on entend, on a bien raison de penser ce qu'on pense. Il semble désormais que la question soit de savoir si Cavani est l'attaquant qui va permettre à Paris de remporter la Champions League. Pincez-moi, mais si possible pas là. Plutôt là. Merci. Voilà donc un joueur qui ne joue pas à son poste depuis trois ans, se défonce pour l'équipe malgré tout, croule sous les critiques et sur qui on voudrait soudainement faire peser une pression démesurée parce qu'il serait enfin libéré de la présence encombrante d'Ibra. Non, Cavani ne "fera pas gagner" la C1 au PSG, et pas parce qu'il n'a pas le calibre ou la dimension pour ce faire, mais parce qu'Emery ne possède pas une équipe capable d'aller au bout. Il peut s'appuyer sur beaucoup d'excellents joueurs et même des éléments de classe mondiale, mais il faudrait être soit aveugle, soit débile profond, soit les deux (pas de noms s'il vous plaît) pour ne pas se rendre compte que Paris ne joue pas dans la même cour que les cinq grands, à savoir le Real, le Barça, l'Atletico, le Bayern et la Juve. Et ça, ce n'est tout de même pas de la faute du seul Cavani.
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