
Deux
quarts de finale restent particulièrement dans les mémoires: la
victoire des potes de Tryphon sur l'Allemagne et le fameux coup de boule
de Letchkov, qui a fait hurler dans les chaumières, ainsi que la
qualification au forceps du Brésil face au Pays-Bas sur un coup-franc du
vétéran Branco qui remplaçait Leonardo, suspendu. Mais le véritable
sommet de jeu de la compétition fut peut-être le huitième de finale
entre l'Argentine et la Roumanie, disputé le 3 juillet 1994 au Rose Bowl
de Pasadena devant 90 000 veinards.
Les
Roumains, emmenés par un Gheorge Hagi rondouillard et au sommet de son
art, ont terminé en tête de leur groupe en tapant d'entrée les
épouvantails colombiens et en battant les Ricains chez eux. Raducioiu,
serial buteur en qualifications, met la chique au fond (doublé contre la
Colombie), Hagi donne le tempo, Dumitrescu régale et Petrescu cavale:
tous les voyants seraient au vert pour la sélection roumaine si elle
n'avait pas pris une inexplicable rouste face à la Suisse de
l'inoubliable Alain Sutter lors du deuxième match (1-4) qui a laissé
entrevoir la propension de l'équipe à lâcher mentalement. Bref, fidèle à
leur tradition d'imprévisibilité, ils ont du ballon à revendre mais il
faut que la tronche suive.

Bizarrement,
le sélectionneur roumain Anghel Iordanescu (vainqueur de la C1 avec le
Steaua en 1986) décide de se passer des services de Raducioiu pour se
match, préférant densifier son milieu et miser sur la vitesse de
Munteanu ou Dumitrescu en contre et l'apport offensif de ses latéraux.
Avec Prodan, Belodedici et l'emblématique Popescu, la Roumanie aligne
trois défenseurs centraux de métier. Iordanescu mise sur la vivacité
naturelle de ses joueurs (à l'exception d'Hagi of course) mais se méfie
également d'un axe Redondo-Ortega-Batistuta qui n'a pas beaucoup
d'équivalents dans le monde. Alfio Basile fait confiance à Abel Balbo,
auteur de douze buts en Serie A avec la Roma, pour pallier l'absence de
Caniggia, et peut toujours compter sur les poètes Chamot, Ruggeri et
Simeone pour s'occuper de près des chevilles adverses.
Le
début de match donne lieu à l'opposition de styles annoncée:
l'Argentine tient la balle et s'échigne patiemment à redoubler les
passes pour trouver la faille dans le bloc roumain, qui malgré tout se
positionne haut et joue tous les coups à fond. Dumitrescu ouvre le score
dès la 11ème minute sur un coup franc excentré digne d'Hagi avant que
Batistuta ne transforme cinq minutes plus tard un penalty qu'il a
lui-même obtenu sur un enchaînement de roublard au coin de la surface.
Le deuxième but roumain est une pure merveille de contre: tacle dans les
pieds de Redondo, sortie de balle à une touche, temporisation de Hagi q
ui
trouve le une-deux avec Dumitrescu avant de retrouver son attaquant au
premier poteau sur une passe magnifique dans le dos de la défense. Un
des plus beaux pions du tournoi.
Les jaunes défendent superbement bien, frustrent l'attaque argentine et placent un nouveau coup de poignard à la
58ème sur une contre-attaque menée de main de maître par un Dumitrescu
en état de grâce et conclue par Hagi. Le but opportuniste de Balbo sur
une boulette de Prunea n'y changera rien et l'Argentine ne verra pas les
quarts de finale.
L'équipe
roumaine, dont le plan fonctionne à la perfection, offre ce jour-là un
rare concentré de brillance technique, d'intelligence tactique et de
maîtrise collective qui bluffe totalement le public et les observateurs.
Elle chutera pourtant au tour suivant face à la Suède de Thomas
Ravelli, au terme d'une nouvelle rencontre de toute beauté (2-2, 5 tirs
aux buts à 4) au cours de laquelle Raducioiu s'offre un autre doublé.
Ses joueurs, qui ont régalé leur monde pendant trois semaines et signé
le plus beau parcours de leur pays en Coupe du Monde, profiteront de la
vitrine offerte pour signer chez quelques gros calibres européens:
Dumitrescu rejoindra Tottenham pour un bilan plus que mitigé (18
matches, 4 buts), Petrescu passera cinq belles années à Chelsea de 1995 à
2000, Popescu et Hagi seront d'éphémères coéquipiers sous le maillot du
Barça. Mais aucun des membres de cette remarquable équipe ne brillera
véritablement sur le plan individuel en club, à l'image de Raducioiu qui
traînera sa misère de West Ham à Brescia. Ces joueurs-là étaient fait
pour jouer ensemble, au sein d'une sélection dont la valeur s'élevait à
bien plus que la simple addition de talents.
3 juillet 1994, Rose Bowl de Pasadena: Roumanie 3 - Argentine 2
Buts: Dumitrescu (11, 18), Hagi (58), Batistuta (16sp), Balbo (75)
Roumanie:
Prunea - Petrescu - Prodan - Belodedici - Lupescu - Popescu - Munteanu -
Selymes - Mihali - Hagi (Galca 86) - Dumitrescu (Papura 89)
Argentine:
Islas - Chamot - Sensini (Medina Bello 63) - Ruggeri - Caceres -
Basualdo - Redondo - Simeone - Ortega - Balbo - Batistuta
Florin Raducioiu était suspendu il me semble ;)
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