post-labels {display: none}

mercredi 25 juin 2014

Chronique d'un cauchemar annoncé

On s'attendait à un match âpre et tendu entre l'Italie et l'Uruguay, et le moins que l'on puisse dire est que les deux équipes n'ont pas déçu. Entre une Celeste qui ne songerait vaguement à attaquer qu'avec trois pions dans le cornet et dix minutes à jouer et une Squadra Azzurra le fessier entre deux chaises parce que qualifiée en cas de match nul, les occasions furent plus que rares et les attaquants pas franchement à la fête. D'habitude, ce sont les Italiens qui gagnent au jeu de dupes et passent à l'arrache, mais cette fois ils sont tombés, en quelque sorte, sur plus italiens qu'eux: plus truqueurs, plus roublards, plus accrocheurs, plus réalistes. Le but de Godin du dos, c'est Tassotti ou Costacurta qui l'aurait planté dans les années 90: les temps changent.


En première mi-temps, Pirlo et consorts se sont efforcés à poser le jeu et maîtriser la chique, sans grand succès, tandis que l'Uruguay faisait preuve d'un attentisme stupéfiant pour une équipe obligée de l'emporter. Pleine de panache, la Celeste s'est ruée à l'abordage après l'expulsion ultra-sévère de Marchisio (il serait aussi prompt à sortir Thiago Silva le type?), pour ne finalement trouver la faille que sur corner, après une paire de parades de grande classe de Buffon il est vrai. Il est aisé de critiquer après coup les choix de Prandelli, mais sur le moment ses décisions parurent somme toute assez logiques (sortie d'un Balotelli agaçant au possible et entrée de Parolo pour tenir le coup au milieu et soulager la défense). Rien ne prouve que la Squadra aurait marqué s'il avait persisté à laisser deux pointes sur le terrain. Le sélectionneur a dû sentir une certaine fébrilité chez ses joueurs et s'est peu à peu résigné à jouer le nul. Que ceux qui n'auraient pas fait pareil lui jette la première pierre.


Il se trouvera sûrement beaucoup de grands connaisseurs pour se réjouir de cette nouvelle élimination précoce de la Nazionale quatre ans après le fiasco sud-africain, comme si l'Italie de Prandelli était la même que celle de Sacchi, Maldini ou pire, Lippi. Certains ne se sont apparemment pas rendus compte que le catenaccio était mort de sa belle mort, que, grâce à la révolution culturelle et l'opération dépoussiérage menée par Prandelli, la Squadra s'attachait à jouer au football et avait fait de Pirlo, et non de Gattuso, son admirable maître à jouer. 

A l'occasion du dernier Euro, elle avait régalé son monde en proposant un savoureux mélange de justesse technique et d'esprit combatif qui l'avait conduit jusqu'en finale. Prandelli n'a jamais cherché à éliminer ce qu fait l'essence du football italien (la force mentale, une forme de dureté et de rugosité, un goût du combat personnifié par des joueurs comme Chiellini et De Rossi) mais tenté de s'appuyer sur l'élégance de techniciens comme Verratti, Thiago Motta, Montolivo (forfait pour ce Mondial).

Faut-il vraiment se réjouir de la qualification de cet Uruguay ultra-sécuritaire, bâti pour ne surtout pas approvisionner Suarez et Cavani et dont le milieu est essentiellement constitué de bulldogs tatoués qui feraient passer Nigel de Jong pour un hippie de la haute vallée de l'Aude? Existe-t-il une quelconque morale (même si l'on sait le sport de haut niveau totalement imperméable aux notions de bien et de mal, à l'instar des époux Balkany) dans le fait de voir passer une équipe dont la vedette se permet allègrement de mordre l'épaule de Chiellini comme un vulgaire bifteck et finit tranquillement la rencontre alors que Marchisio est déjà à la douche pour une simple semelle? 

Icing on ze cake et sommet d'aberration: Lugano qui se dit déçu par le comportement de Chiellini, coupable d'avoir montré son épaule à l'arbitre, comme si lui avait s'était toujours montré irréprochable sur le pré. Commence déjà par courir le cent mètres en moins de dix-sept secondes et à mettre du bleu au bout de tes pompes et après, très éventuellement, tu te permettras hein.


Plus la compétition avance, plus elle s'avère impitoyable pour les sélections européennes, l'Italie figurant désormais aussi parmi la liste des victimes. Il semble de plus en plus probable qu'une équipe sud-américaine soit sacrée et que le Brésil ajoute comme prévu et pour la joie des petits et des grands une sixième étoile sur son maillot. Tout le monde en fait des caisses (et souvent à juste titre, soyons honnêtes) sur la dimension spectaculaire de cette Coupe du Monde et son esprit offensif mais au final, c'est le football militarisé et sans âme de Scolari et Tabarez qui risque de triompher, pas celui que jouent les Iniesta, Pirlo ou Modric. 

Avec l'Italie et l'Espagne (soit les deux finalistes du dernier Euro) hors course, un arbitrage systématiquement plus qu'orienté, le public et la FIFA derrière eux et un Neymar décisif, on voit mal comment les Brésilos pourraient se ramasser, même en étant aussi moches et affligeants qu'ils l'ont été depuis le début du tournoi. Peu à peu, ce Mondial se transforme en une chronique d'un cauchemar annoncé, celui du sacre de la Seleçao.

Le Brésil et l'Uruguay incarnent une forme de cynisme et de pragmatisme froid, tandis que la Colombie et le Chili véhiculent les véritables valeurs du football sud-américain: qualité technique, engagement, créativité, mouvement, jeu au sol. Surtout, on a l'impression que ces deux équipes se font plaisir quand elles jouent, et en procurent du même coup. Les derniers esthètes et autres idéalistes du rectangle vert doivent désormais prier pour une victoire finale de l'Allemagne, éminemment joueuse et qui la mérite tant sur ces dernières années, ou des Pays-Bas, même si Van Gaal a renoncé à la possession et mise essentiellement sur le contre. Et la France, me demanderez-vous ? Pour l'instant, elle en est au même stade que la Grèce, et n'ira peut-être pas plus loin.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire