On ne dira jamais assez
l'importance de Yohan Cabaye dans le système mis en place par
Deschamps. Face à une équipe hondurienne certes plus que limitée
et aussi inoffensive dans le jeu qu'experte dans l'art du découpage,
le Parisien fut tout simplement parfait. Dans un rôle de libero du
milieu, il a fait parler son intelligence tactique et son sens du
placement, et sa qualité de passe longue sur l'action qui amène le
penalty et le deuxième but. Avec lui dans leur dos, Pogba et Matuidi
savent qu'ils peuvent se projeter vers l'avant sans risquer de trop
exposer la défense, ce qui fait de Cabaye le véritable point
d'équilibre du 4-3-3. Il faut espérer que sa blessure ne soit
qu'une fausse alerte, tant il est devenu indispensable aux Bleus.Le sélectionneur, radieux après le coup de sifflet final, a sans doute craint jusqu'à l'ouverture du score que ses joueurs ne parviennent pas à se sortir du guêpier. Ils avaient déjà touché deux fois la barre par Matuidi et Griezmann, et Pogba était passé à deux doigts de l'expulsion en répondant à une agression caractérisée de Palacios, donné pour mort plusieurs fois avant de venir cartonner fort intelligemment ce même Pogba dans sa surface. Tout fut alors forcément plus simple, mais imaginez deux secondes le casse-tronche si les Bleus s'étaient retrouvés à dix face à une adversaire aussi compact et perdu en prime la pieuvre de la Juve pour le premier tour.
Benzema, auteur de deux
buts et demi, poursuit sur sa brillante lancée des matches de
préparation et a parfaitement ouvert son Mondial, comme beaucoup de
ses camarades buteurs (Neymar, Van Persie, Balotelli, Cavani, Messi,
mais si Ronaldo pouvait s'abstenir face à l'Allemagne nous ne lui en
tiendrions pas rigueur). Debuchy et Evra (si, si, Evra on vous dit,
Fernandel, Tournevis et tout ça tout ça) ont fait le boulot et
beaucoup apporté sur le plan offensif, multipliant les montées et
les centres.
Matuidi a déployé son activité habituelle et aurait
mérité d'être récompensé par un pion, tandis que Griezmann a
exposé l'étendue de sa palette: tête sur la barre, transversale au
sol magnifique pour Valbuena, prises de balle tranchantes, faculté à
jouer à une touche. Pour l'heure, Giroud représente un plan B, et
Deschamps n'a aucune raison de changer son fusil d'épaule.
La France peut taper la
Suisse, pas franchement emballante contre l'Equateur, et viser la
tête de son groupe, ce qui lui permettrait d'éviter l'Argentine dès
les huitièmes. Il faudra pour cela que Sakho évite les sautes de
concentration dont il est coutumier, que les deux latéraux veillent
à ne pas trop laisser d'espaces dans leur dos et que Pogba prenne
davantage ses responsabilités, même du haut de ses vingt-et-un ans.
Pour le reste, l'animation offensive fut particulièrement
encourageante, même avec un improbable trio Mavuba-Sissoko-Matuidi
au milieu. Deschamps a tenu à préserver Cabaye et Pogba, tous deux
avertis, et profiter de la fin de match tranquille pour donner du
temps de jeu à Giroud, sans doute frustré de démarrer sur le banc.
Rémy et Cabella devront attendre leur tour.
Face à la Bosnie,
l'Argentine a montré un visage plutôt inquiétant malgré la
victoire. En Afrique du Sud, le génie tactique Maradona avait fait
jouer Messi milieu défensif. Cette fois, Sabella nous a concocté un
5-3-2 des familles qui s'est avéré purement désastreux: c'est à
croire que les sélectionneurs argentins aiment à jouer les
apprentis sorciers à l'occasion des tournois mondiaux. Sabella a
sans doute eu peur de la force de frappe bosniaque et a donc blindé
le coffre-fort en titularisant trois défenseurs centraux (Garay,
Campagnaro et Fernandez) pour s'occuper du seul Dzeko. Sur le plan
défensif, ce fut une catastrophe, aucun des trois ne sachant jamais
s'il devait sortir sur le porteur de balle ou rester au marquage de
l'avant-centre.
Et que dire de
l'expression collective argentine? En l'absence de Gago, aiguilleur
en chef de l'équipe, à qui Sabella a préféré un Maxi Rodriguez
transparent, c'est Mascherano (et donc pas exactement Pirlo) qui se
retrouve seul en position de premier relanceur. Messi est obligé de
descendre chercher les ballons très bas pour tenter d'initier un
semblant de mouvement, ce qui le coupe totalement d'Agüero (on a
ainsi pu voir le quadruple Ballon d'Or tenter des passes de quarante
mètres pour son partenaire d'attaque). Di Maria, tantôt à gauche,
tantôt à droite, ne sait pas où il doit se placer, lui qui est
habitué à jouer derrière trois attaquants au Real et fut cette
saison souvent extraordinaire dans le 4-3-3 d'Ancelotti.
Pour que l'Argentine joue
son véritable football et puisse vaguement prétendre au titre
suprême, elle doit évoluer avec un véritable avant-centre, et
préférablement Higuain, aussi à l'aise dans le jeu court (le but de
Messi n'intervient qu'après son entrée en jeu) que présent dans le
domaine aérien. Messi et Agüero doivent tourner autour de ce point
d'appui et donner la nausée aux défenseurs en permutant. Au milieu,
Gago doit retrouver son rôle de rampe de lancement aux cotés de
Mascherano et Di Maria laisser libre cours à ses inspirations comme
électron libre. Merci de nous rendre d'urgence notre Albiceleste,
qui appartient autant au peuple argentin qu'à tous les amoureux du
jeu.

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