Les Belges étaient attendus au
tournant, et contrairement à certaines équipes qui par le passé
payèrent cher leur statut d'outsider, ils ont déjà fait une belle
partie du boulot en se qualifiant pour les huitièmes. Dans la
manière, les Diables Rouges n'auront guère plus convaincu contre la
Russie que face à l'Algérie, mais à l'instar de l'Argentine (nous
n'évoquerons pas le cas portugais et un certain capitaine courage
par pure décence) et toutes proportions gardées, ils comptent dans
leurs rangs un petit génie capable de débloquer les situations les
plus figées. Quand on pense qu'avant la nomination de Wilmots,
Leekens n'hésitait pas à mettre Hazard sur le banc, on se dit que
l'Argentine et le Brésil ne sont pas les seuls à pâtir de
l'incompétence de leurs sélectionneurs.
L'attitude de Wilmots, sautant tel un
cabri sous amphétamines après le but d'Origi, offrit un contraste
saisissant et plutôt rafraîchissant avec le visage fermé et
impassible de Capello, désormais à deux doigts d'un nouveau
désastre après la raclée reçue en Afrique du Sud avec
l'Angleterre. Il faut dire que les Belges n'avaient jusque-là pas
montré grand-chose, que les Russes, certes guère flamboyants non
plus, méritaient autant qu'eux de l'emporter, et qu'on pensait qu'on
se dirigeait tranquillement vers un bon vieux 0-0 bien moche des
familles qui pouvait vaguement satisfaire les deux camps. C'est alors
qu'Hazard prit les choses en main, plaça un coup de rein maison et
servit un speculoos à Origi, l'invité surprise de cette sélection
belge.
Selon toute vraisemblance, les
partenaires de Fellaini devraient retrouver les Etats-Unis en
huitièmes, tandis que le vainqueur du match décisif Corée du
Sud-Russie se coltinera la Mannschaft. Pour franchir l'obstacle
américain, ce qui sera tout sauf simple, Wilmots devra opérer
quelques réglages qui permettraient à son équipe de donner sa
pleine mesure. Il n'est pas certain que Lukaku, trop statique et peu
inspiré dans ses remises, mérite une place de titulaire, même si
Origi bénéficie sans doute de son travail de sape. Il faudrait
également nous expliquer pourquoi Vermaelen ou Vertonghen, qui
n'apportent strictement rien offensivement, se voient bannis de l'axe
pour faire de la place à Van Buyten, qui devrait fonder le CGG (le
Club des Genoux qui Grincent) avec Yepes et Lugano.
Le fait que les latéraux ne viennent
jamais dédoubler sur l'aile permet aux défenses de concentrer leur
attention sur Hazard, qui se retrouve presque systématiquement face
à deux défenseurs. Puisque le joueur de Chelsea peut faire des
différences mais pas de miracles, ses partenaires s'en remettent
trop facilement à de longs ballons pour la tête de Fellaini, censé
jouer les tours de contrôle aux abords de la surface. On a
l'impression que les joueurs se sentent prisonniers de leur rôle au
sein du système, alors que la polyvalence d'individualités comme
Fellaini, Witsel ou de Bruyne (beau joueur celui-là pour un type de
quatorze ans) devrait précisément constituer l'atout principal de
Wilmots. Il faut également qu'Hazard délaisse son flanc gauche de
temps à autre et perturbe la défense adverse en jouant les
électrons libres.
Alors que la victoire de l'Algérie, sponsorisée par Klaxon, permet aux hommes d'Halilhodzic (travail, souffrance, résultat) d'envisager une qualification historique pour les huitièmes, on ne peut s'empêcher de songer au fameux "match de la honte" de 1982, qu'évoquait récemment Rabah Madjer dans les colonnes d'un quotidien sportif hexagonal dont les interviews sont souvent les meilleurs papiers. L'Algérie, qui avait tapé la RFA grâce à ce même Madjer et Belloumi et battu le Chili, aurait dû passer, mais Allemands et Autrichiens se mirent d'accord pour éliminer les gêneurs lors du dernier match de poules. C'est depuis ce triste épisode que les derniers matches de la phase de groupes se disputent simultanément pour éviter tout arrangement ou magouille, pourtant difficilement envisageable dans le football moderne.
Question pour un maçon: un scénario similaire peut-il se répéter plus de trente ans après au détriment du Portugal, qu'un match nul entre l'Allemagne et les Etats-Unis éliminerait tout en qualifiant les deux protagonistes? Outre que cette issue alimenterait la théorie du complot international savamment entretenue par la communauté portugaise en France (la Coupe du Monde achetée par Chirac, l'arbitre de France-Portugal 2000 arrosé, et sinon on cause de la finale de l'Euro 2004 ou bien?), on doute fort qu'Allemands et Américains entrent sur le pré avec l'objectif nul en tête et qu'ils aient envie de se farcir les Belges en huitièmes. Si ne pas croiser leur route constitue désormais un enjeu, ces derniers ont déjà réussi leur retour sur la scène internationale.

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