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jeudi 5 juin 2014

Tous derrière le Brésil

Autant se le dire tout de suite et s'y préparer: on n'a pas fini de bouffer du cliché à longueurs de journées sur le «football samba», le fameux «joga bonito», les «artistes brésiliens» ou encore le «pays du football», quitte à oublier que ce sont tout de même messieurs les Anglais qui ont tiré au but les premiers.

On va nous resservir les sempiternelles images de types huileux jonglant sur la plage au milieu de jeunes cariocas callipyges sur fond de «Girl from Ipanema», de gamins aux pieds nus dribblant avec une boule de papier journal dans les rues déshéritées des favelas et du Christ de Corcovado veillant du haut de son python rocheux sur les destinées de la Seleçao. Pendant quelques semaines, le triptyque vert-jaune-bleu va envahir les écrans, les vitrines et les unes de la presse jusqu'à l’écœurement.


La tenue d'une Coupe du Monde au Brésil (une première depuis le drame national de 1950) suscite tous les fantasmes et relie le présent à la glorieuse histoire du maillot aux cinq étoiles. On a ces derniers temps vu fleurir dans la presse plus ou moins spécialisée des papiers sur l'équipe mythique de 1970, considérée par beaucoup comme la meilleure sélection de tous les temps, et le but irréel du capitaine Carlos Alberto en finale face à l'Italie.

La bande à Socrates et Zico, extraordinairement talentueuse et victime d'un Paolo Rossi en état de grâce lors du Mondial 1982, fait également figure de référence quand il s'agit d'évoquer l'essence du jeu brésilien, inspiré, harmonieux et apparemment si facile. Plus près de nous (et surtout de toi, mon Dieu), des cadors comme Romario, Ronaldo, Kaka ou Ronaldinho ont perpétué la tradition.


Vouloir inscrire la sélection bâtie par Scolari dans la lignée de ces illustres devancières relève soit de l'incompétence soit de l'escroquerie pure et simple. Soyons clairs: la Seleçao version 2014, qui dégage à peu près autant de romantisme que l'Allemagne époque Effenberg ou le dernier catalogue de La Redoute, est sans doute la plus laide et la moins excitante jamais mise sur pied.

Au milieu, le sélectionneur, pragmatique et réaliste (autrement dit adepte du football de droite), s'est privé de quelques beaux techniciens pour faire de la place aux tâcherons physico-physiques adaptés à ses tristes conceptions tactiques (Paulinho, Ramires, Luiz Gustavo entre autres génies de l'entrejeu). Le club le plus représenté dans sa liste? Chelsea. Tout est dit. Devant, le Brésil comptera sur Fred, ancien habitué de Gerland, et le dénommé Jô, dont les fans de City ont pu se demander s'il s'agissait bien de ce même vendangeur en série qu'on leur avait vendu pour un bon attaquant. Si l'on excepte Neymar, à ranger dans la catégorie des solistes agaçants, seul Oscar dispose a priori des qualités pour faire jouer les autres et donner du liant à l'ensemble.

Ils sont pourtant un paquet à serrer sérieusement les miches et à prier pour un sacre du pays organisateur le 13 juillet prochain à Rio (au cas où vous ne l'auriez pas encore compris, nous ne sommes pas de ceux-là). Une élimination précoce du Brésil provoquerait une onde de choc et ne manquerait pas de raviver les tensions causées par le coût exorbitant du Mondial dans un pays qui manque d'écoles et d'hôpitaux.

On imagine aisément que le gouvernement brésilien risque de fort de vivre la compétition dans l'angoisse de l'émeute populaire. Sepp Blatter, monsieur «mains propres et tête haute», qui vient d'admettre que confier la Coupe du Monde 2022 au Qatar était sans doute une erreur (sans blague?), goûterait sans doute moyennement de voir sa «fête du football», pour reprendre une expression chère à Daniel Lauclair, gâchée par des images de violence et de répression policière.

La pression qui pèse sur les épaules des vingt-trois Brésiliens et du staff technique à l'approche de la compétition est inimaginable, et on irait presque jusqu'à dire que le fait de jouer à domicile représentait plutôt un désavantage si, précisément, le contexte socio-politique ne s'apparentait pas plus à un cocktail explosif qu'à une caïpirinha. Parce que le Brésil aura les instances dirigeantes du football ainsi qu'une bonne moitié de la planète derrière lui, il ne faudra pas trop s'étonner si les auriverde bénéficient çà et là de quelques largesses arbitrales. L'homme en noir risque de se retrouver dans une situation semblable à celle de M. Craig Joubert lors de la dernière finale de la Coupe du Monde de rugby, avec en prime, léger détail, la possibilité qu'un coup de sifflet mette quasiment le pays à feu et à sang.




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