Luka Modric, le joueur
favori de Suzanne Vega, et Ivan Rakitic, le joueur favori de votre
voisin d'en-dessous qui fait des pâtisseries maison, ont tous les
deux remporté un trophée européen au mois de mai: le premier a mis
la main sur la fameuse decima avec le Real Madrid et le second
gagné l'Europa League sous le maillot du FC Séville. Auteurs d'une
saison de toute beauté, ils seront les atouts maîtres d'une
sélection croate qui pourrait tirer son épingle du jeu dans son
groupe derrière le Brésil, qualifié pour le second tour avant
d'avoir touché le ballon.
Révélé lors de l'Euro 2008, alors qu'il n'avait que vingt-deux ans, Modric n'a depuis cessé d'évoluer et de progresser. Après un passage remarqué à Tottenham, où il s'affirma comme l'un des meilleurs milieux de Premier League, il a pris une dimension planétaire avec le Real. Dans un club où la concurrence dans l'entre-jeu fait rage, il a su s'imposer comme un élément indispensable aux côtés de Xabi Alonso et prendre la direction des opérations. Le départ d'Özil a fait de Modric le véritable dépositaire du jeu du Real, et le Croate a parfaitement assumé cette responsabilité, touchant un nombre considérable de ballons et exerçant une influence croissante.
Moins virevoltant et
dribbleur qu'à ses débuts, l'ancien petit prodige du Dinamo Zagreb s'est mué
en impeccable régulateur, imposant le tempo, orientant la manœuvre,
faisant souvent la première passe vers l'avant. Son jeu respire
l'élégance et la simplicité, voire le dépouillement, même s'il
peut toujours offrir une gâterie technique de temps à autre. Vrai
meneur de jeu, il se préoccupe avant tout de faire jouer autour de
lui et brille essentiellement par sa capacité à créer du liant, à
mettre de l'huile dans les rouages. Il peut tout aussi bien opérer
depuis une position très reculée, en position de premier relanceur,
qu'au soutien direct des attaquants, et peu de milieux actuels
possèdent une palette aussi large que la sienne.
Ivan Rakitic est moins connu du grand public (auquel, précisément, la présente gazette ne s'adresse pas, comme quoi les choses sont parfois bien faites) mais ses superbes prestations avec le FC Séville (12 buts et 11 passes décisives en Liga) lui valent désormais l'intérêt du Barça. Il faut dire que son action mémorable pour offrir un but à Bacca face au Real a marqué les esprits. Considéré comme l'un des plus grands espoirs du football national depuis ses années allemandes, Rakitic a mis du temps à répondre aux attentes mais semble désormais donner sa pleine mesure. A vingt-six ans, il affiche déjà une soixantaine de sélections au compteur et fait partie des cadres de l'équipe nationale.
Joueur athlétique et faussement lent, Rakitic est capable d'inspirations géniales, dans la grande tradition des techniciens croates (Prosinecki, Boban, Asanovic), et s'appuie sur des facultés techniques exceptionnelles. Il possède un sens unique du dribble et du contre-pied et, de par sa justesse de passe, peut s'avérer aussi redoutable en contre que sur attaque placée. Sa qualité de frappe au-dessus de la moyenne (non en n'en rajoute pas, vous verrez bien, bande de dubitatifs précoces) constitue une menace permanente dans le jeu et sur coup de pied arrêté. Créatif, inventif, imprévisible, il possède un profil très complémentaire de celui de Modric, plus sobre et gestionnaire. On souhaite bien du courage aux récupérateurs adverses pour leur prendre la chique dans les pieds.

La paire Rakitic-Modric est à coup sûr le point fort du onze de Nico Kovac, qui vivra ou mourra par le milieu de terrain et devra trouver des solutions au coeur du jeu. N'oublions pas non plus que l'avant-centre que les deux artistes sont censés approvisionner n'est autre que Mario Mandzukic, auteur d'une trentaine de pions avec le Bayern toutes compétitions confondues, formidable présence dans la surface, adroit devant le but et parfait dans le rôle de contrôleur aérien. Lors du dernier Euro, il avait planté trois buts en trois matches (un doublé face à l'Irlande et le but égalisateur contre l'Italie). Gare à la Croatie si jamais son buteur en chef parvenait à maintenir sa moyenne.
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