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samedi 28 juin 2014

Manichéen mais vrai

Le sort a voulu que quatre des cinq équipes sud-américaines encore en lice se retrouvent dans la même partie de tableau et que les deux premiers huitièmes de finale opposent le Brésil au Chili et la Colombie à l'Uruguay. Dans l'autre moitié de l'arbre, l'Argentine doit se sentir bien seule, elle qui ne pourra affronter l'un des membres du club des quatre qu'à l'occasion d'une très éventuelle finale, après avoir au préalable franchi l'obstacle suisse, maté de très ambitieux Belges et s'être offert un remake de la triste finale de 1978 contre les Pays-Bas: une formalité, en somme. 

Mais n'anticipons pas, comme aime à le répéter François Hollande, et évitons de faire des plans sur la comète, comme disait Haley (Haley les Bleus bien évidemment), puisque cette Coupe du Monde réserve encore sans doute son lot de surprises (pour les pronos, allez voir Marcel, vous n'êtes pas sur le bon site).


Pour les ceusses qui regardent ce Mondial non avec l’œil du supporter et un poulet sur la tête mais avec celui de l'esthète et de l'hédoniste, les deux affiches du jour ressemblent furieusement à deux confrontations avec ce que l'on appelle dans le jargon très spécialisé, que seuls Jean-Michel Larqué et une poignée de sommités maîtrisent, les gentils et les méchants. Nous l'allons montrer tout à l'heure, et pas plus tard que dans pas longtemps. Aujourd'hui, il s'agira pour une fois non de se cantonner à la froide analyse, mais de choisir son camp, camarade (et c'est un joli mot, camarade), au nom d'une certaine idée du fouteballe et d'un certain nombre de valeurs, certes forcément moins nobles que celles de l'ovalie, mais quand même pas mal dans l'ensemble.


Pour affronter le Chili, Scolari va semble-t-il faire le choix de l'offensive en remplaçant Paulinho par Fernandinho (Paulo, Fernand, Jo, Bernard, Oscar, Fred, la bande quoi), un choix d'une audace que nous n'hésiterons pas à qualifier de cyranienne pour un match à élimination directe. Pour le reste, le plan tactique devrait ressembler à celui testé à l'occasion du premier tour: filer la chique à Neymar et implorer le ciel puisque, comme chacun sait, Dieu parle portugais (on dit même qu'il écouterait de la bossa nova à ses heures perdues, et vu la gueule de la planète, il doit en avoir le bougre).

Reste à savoir comment le Colonel Moustache avec un chandelier dans la bibliothèque réagira à cas où son équipe se trouve en difficulté et peine à mettre en danger Vidal et compagnie. En même temps, quand on a Jô et Bernard sur le banc, on peut dormir tranquille. Et d'après le rumeurs, il paraît même que Scolari, c'est vous dire l'ambiance.

Bourreaux de l'Espagne et auteurs d'un début de tournoi remarquable, les Chiliens ont montré à peu près quatre fois plus de football que leurs adversaires du jour et surtout une attitude collective nettement plus cohérente. A l'image de capitaine Vidal, un des joueurs les plus polyvalents au monde, son milieu se montre aussi efficace à la récupération qu'à l'aise balle au pied. L'équipe est capable de mouvements d'une remarquable fluidité (le premier but contre l'Espagne, magnifique) et défend comme une bande de chats maigres. Sur tous les plans, les joueurs de Sampaoli possèdent le profil parfait pour donner des maux de tête à tout un pays, même si le Chili n'a jamais battu le Brésil sur son sol. En l'occurrence, un match nul pourrait suffire, pourvu que Claudio Bravo dame le pion à Julio Cesar lors d'une série de tirs aux buts qui aurait tout d'un irrespirable thriller.


De son côté, la sélection uruguayenne a fait tout son possible pour se rendre absolument détestable ces derniers jours. C'est à croire que si Suarez se pointait avec un lance-flammes sur le terrain ou décidait subitement de jouer à poil, ses coéquipiers, son staff, sa fédération et son gouvernement monteraient encore au créneau pour défendre l'innocent injustement accusé. 

Sans vouloir jouer les Thierry Mariani de service, il convient tout de même de rappeler que Suarez est un récidiviste et que son dossier commence à être un tantinet chargé: morsure sur Ivanovic, accusations de propos racistes envers Evra, plongeons à répétition dans toutes les surfaces de Premier League. Il ne s'agit pas ici de tomber dans l'angélisme, puisque c'est de football et de sport de haut niveau dont on parle, simplement de poser certaines limites. De la même manière qu'on ne sent pas le cul Didier, on ne mord pas les gens. Point à la ligne.



Si encore la Celeste se montrait vaguement séduisante sur le pré, on pourrait lui trouver des circonstances atténuantes (à l'équipe, pas à Suarez, vous suivez ou vous pensez déjà à l'apéro de ce soir?), mais ses trois prestations furent particulièrement laides: désintégration en règle contre le Costa Rica, service minimum contre l'Angleterre et prudence à la limite du compréhensible lors du rendez-vous décisif avec l'Italie. 

Autant l'Uruguay faisait vibrer en Afrique du Sud avec un effectif pourtant similaire, autant elle n'inspire qu'antipathie durant cette Coupe du Monde. L'Uruguay sera-t-il la Grèce 2004 de ce Mondial, c'est-à-dire une équipe persuadée d'affronter la terre entière et qui passe les tours en verrouillant derrière et misant sur les coups de pied arrêtés? Espérons que non, mais comme Dieu ne comprend pas l'espagnol on peut se montrer optimiste.


La Celeste va se coltiner une équipe colombienne qui ressemble furieusement à son antithèse: joueuse, naturellement portée vers l'avant, vive, inspirée, imaginative. Malgré l'absence de Falcao, les Cafeteros ont développé un jeu chatoyant et emballant, portés par un James Rodriguez (peut-être le plus beau pied gauche du tournoi) extraordinaire d'aisance, de justesse technique et de vista à la baguette. Tous les joueurs majeurs font le boulot et tirent l'ensemble vers le haut: James donc, mais aussi le virevoltant Cuadrado, les excellents Armero et Zuniga ou encore l'homme à tout faire Freddy Guarin. Même Yepes semble s'offrir une cure de jouvence au Brésil, et le très puissant Jackson Martinez a claqué un doublé face au Japon qui l'aura mis dans les meilleurs dispositions au meilleur moment. Son duel contre Godin, qui peut prétendre au titre de meilleur défenseur du monde à l'heure actuelle, pourrait sérieusement endommager la pelouse du Maracana.


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